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Pour tenter de comprendre le karaté, tournons-nous tout-d’abord vers ses origines...

1. La légende de Bodidharma

Selon la légende, vers l'an 500, Bodhidharma d'origine indienne s’installa dans un temple Shaolin au Nord de la Chine. Il s'aperçut que faute de condition physique, les moines supportaient difficilement l’immobilité imposée par la méditation bouddhique. Afin de renforcer leurs corps, Bodhidharma leur enseigna des exercices physiques martiaux, qu’il avait étudiés avec son père. Ce dernier était roi et connaissait un art de combat, proche du Kalaripayat.

Cette méthode aurait influencé la plupart des arts martiaux chinois et asiatiques. La diffusion de cette méthode a été possible lors de l’invasion du temple Shaolin car les moines forcés de fuir ont diffusé leurs savoirs dans toute la Chine.

Toutefois, les pratiques martiales étaient déjà très développées en Chine bien avant la venue de Bodhidharma. Ainsi 800 ans avant l’époque de Bodhidharma, Sunzi, général chinois, traitait déjà de l’Art du Poing (Quanfa ou Chuan Fa) dans ses chapitres sur l’Art de la Guerre. Dès lors, l'influence réelle de Bodhidharma sur le développement des arts martiaux chinois doit certainement être relativisée.

 

2. Sur l'île d'Okinawa

Vers l’an 1400, le roi Sho Hashi unifie Okinawa et interdit la possession d'armes par crainte des révoltes. Deux cents ans plus tard, après l'invasion de l'île par le clan Satsuma, les armes sont à nouveau interdites par le gouvernement japonais. Ces interdictions successives ont contribué au développement de techniques de combat à mains nues.

Parallèlement, s'est développé le kobudo (combat avec des outils de la vie quotidienne). Ainsi, on retrouve parmi les armes traditionnelles d’Okinawa : le bo (bâton du berger), le nunchaku (fléau utilisé pour battre le blé), le saï (trident qui servait à planter le riz), le tonfa (manche de meule), etc.

L'île d'Okinawa se situe dans l'archipel des Ryu Kyu au sud des côtes chinoises. En raison de cette proximité, les échanges commerciaux et culturels entre ces deux peuples ont été fréquents. Les Okinawaïens possédaient des techniques de combat propres mais l'influence chinoise sur le développement du karaté est indubitable tant les similitudes avec les arts martiaux chinois sont grandes.

De plus, de nombreux maîtres de karaté d'Okinawa ont séjourné en Chine. C'est le cas de Kanryo Higaonna expert en Naha-te et de son disciple Chojun Miyagi, fondateur du Goju-ryu. Sakugawa Kanga et de Sokon Matsumura (père du Shorin-ryu) ont quant à eux voyagé dans toute la Chine et ont été influencés par les Shaolin quan (poings de Shaolin). Plus récemment, Kanbun Uechi fondateur de l'Uechi ryu a vécu en Chine durant de nombreuses années.

Du XVe siècle au XIXe siècle, l'art martial d'Okinawa s'est appelé To-Te (main de Chine) puis Okinawa-Te (main d'Okinawa) ou simple Te (main). Au début du XXe siècle, la prononciation okinawaïenne de To-Te a été remplacée par la prononciation japonaise: "karaté" qui signifiait toujours "main de Chine".

Shuri et Naha sont les deux villes principales d'Okinawa. Les deux principaux courants de Te apparus sur l'île sont ainsi nommés: Shuri-Te et Naha-Te (main de Shuri et main de Naha). Tomari est une troisième ville située entre Shuri et Naha. Le Tomari-te combine des techniques des deux précédentes villes.

Du XVIIIe au XIXe siècle, la pratique du Te était interdite par l'occupant japonais et les cours se donnaient en secret. Le Te s'est ouvert au grand public au milieu du XIXe siècle grâce à Sokon Matsumura (héritier du Shuri-te et fondateur du Shorin-ryu) qui fut le garde du corps des trois derniers rois d'Okinawa.

A l'exception de Kanryo Higaonna et Chojun Miyagi (son successeur), la plupart des grands experts de Te de la fin du XIXe et du début du XXe (dont Chotoku Kyan, Azato Yasutsune, Kentsu Yabu, Anko Itosu, Chibana Shoshin, Gichin Funakoshi, Kenwa Mabuni) sont des disciples, directs ou indirects de Sokon Matsumura.

Le développement du karaté s'est fait grâce à des maîtres tels que Matsumura ainsi que son principal disciple Itosu. Ce dernier a développé une véritable pédagogie du karaté. Vers 1900, Itosu favorisa l'introduction du karaté dans le cursus scolaire d'Okinawa.

 

3. A la conquête du Japon

Suite à une démonstration devant le prince héritier du Japon et pour satisfaire à la demande de Jigoro Kano (créateur du judo), Gichin Funakoshi quitta Okinawa pour Tokyo en 1922 afin d’y enseigner le karaté.

En 1935, Chojun Miyagi, le père fondateur du Goju-ryu, fut le premier pratiquant de karaté à présenter un examen devant les autorités du Dai Nippon Butokukai (organisme d'état en charge de contrôler les arts martiaux japonais). Miyagi obtint ainsi le titre de kyoshi (maître) et fit entrer le karaté dans la famille des budo.

A l'origine, karaté signifiait la main (te) de Chine (kara). Vers 1935, dans un contexte de montée du nationalisme japonais et afin de favoriser la diffusion du karaté à l'ensemble du Japon, Gichin Funakoshi avec l'accord de l'assemblée des "Grands Maîtres d'Okinawa", a remplacé le kanji kara pour masquer son origine chinoise. Le nouveau kanji kara de prononciation équivalente mais d'origine japonaise signifie "le vide" (ou vacuité au sens bouddhique). Ainsi, Gichin Funakoshi souligne le caractère philosophique et spirituel du karaté-do favorisant du même coup sa reconnaissance au sein des budo au même titre que l'aïkido et le judo.

En 1936, Gichin Funakoshi a modifié les kata pour favoriser le développement du karaté sous la forme d'un sport-spectacle. Parallèlement, dans un souci de "japonisation", il a changé le nom de certain kata dont les Naihanchi en Tekki et les Pinan en Heian.

Les bases de développement du karaté dit "moderne" étaient ainsi posées. Le karaté se lança alors à la conquête du Japon et du reste du monde.

 

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